Le vendredi soir à 2 jours du départ, Franck arrive
tardivement de son travail juste pour participer à la présentation des équipages
sur le port de Saint Nazaire. Heureusement, Jean Paul avait tout préparer pour
que le bateau soit prêt pour un départ le dimanche. Un groupe folklorique anime
cette soirée dans une ambiance détendue. Cela permet de faire connaissance avec
tous ces équipages qui viennent des tous horizons. Nous sommes impressionnés
par le pédigrés des bateaux et des équipages qui ont tous une très grosse
expérience de voile.
Le samedi est pratiquement entièrement consacré à la météo
et aux systèmes informatiques qui vont permettre de récupérer les fichiers
météo et les informations de position de toute la flotte en principe mise à
jour toutes les 4 heures. Franck essaie d’avoir une solution de back-up sur une
tablette en cas de panne du système principal. Auparavant basé sur une un
entrainement 15 jours plus tôt, Franck avait préparé une polaire adaptée au
profil très particulier de notre bateau : Un bateau fait pour cavaler au
portant.
Le départ du dimanche est contraint par l’ouverture de l’écluse
qui ferme le bassin dans lequel tous les bateaux sont rassemblés. A 14H30, nous
sortons à la première ouverture qui donne accès à la Loire devant Saint
Nazaire. Memeil dans son fief de Saint Nazaire prend les dernières images de
cet équipage qui n’a jamais navigué ensemble en régate. Jean Paul comme Franck,
sont impatients de prendre le départ de cette aventure qui s’annonce très
ventée après le cap Finistère.
Un départ à 17H50 par tout petit temps au près pratiquement
sous le pont de Saint Nazaire. Les 85 bateaux s’élancent dans une certaine
confusion due au manque de vent et un respect très approximatif des règles de
courses pour certains. Très rapidement, on réalise une nouvelle fois que cette
remontée au près jusqu’à l’embouchure de la Loire va être très longue pour
nous.
On sort effectivement dans les 3 derniers sous une bruine
très bretonne avec un moral un peu atteint ! Même prévenu, c’est quand
même dur de perdre 5NM en 2 heures ! Dès la dernière marque de sortie de
la Loire, on prend la décision de ne pas poursuivre la même route que toute la
flotte qui est devant nous au près. Notre seule arme possible étant notre code
5 (Le string rouge pour certains) on abat de 45° pour pouvoir lancer ce spi
asymétrique en espérant que les prévisions météo se réalisent avec une rotation
du vent de 45° à droite qui nous permettra de retrouver la pointe de la Corogne
sur le même bord en faisant « la cuillère » sous le vent. Il était
donc clair que notre classement resterait très pénalisé de cette route plus
longue jusqu’à la Corogne. Nous avons longé Noirmoutier en restant très
vigilant lors du passage des rochers des « bœufs »
La première nuit sera très difficile pour Franck. Arrivé
fatigué et n’ayant pas eu le temps de déjeuner le jour du départ, le premier
repas se fera sur le bateau la nuit tombée. Le plat en sauce « préparé »
par Jean Paul était plus que bienvenu mais les grains à répétition de cette nuit-là
et probablement le stress du début de course n’ont pas laissé son estomac faire
le travail normalement !
Pendant un grain, le spi rouge se décroche du point d’écoute
et le temps de l’affaler, il se déchire sur 1,5 mètres nous obligeant à
relancer un spi plus grand mais qui nous fait abattre encore un peu plus.
Lorsque les conditions deviennent plus faciles, Franck passe 2 heures à réparer
le spi au fond du bateau. Dès que celui-ci est réparé, on le relance pour reprendre
la route sur la pointe de la Corogne.
Cette première nuit nous met donc dans l’ambiance d’une
course ou il faut être à fond tout le temps. Jean Paul se révèle être un vrai
lion qui chasse la nuit ! Impressionnant l’énergie qu’il est capable de
mettre dans des conditions difficiles dans une nuit parfaitement noire (sans
lune et avec une couverture nuageuse) qui ne permet pas de distinguer la ligne
d’horizon.
Jean Paul essaie de rédiger un premier message pour le blog
qui, grosse déception va rester dans la boite d’envoi jusqu’à la fin. La connexion
avec l’iridium ne se fera jamais. Je sais pour un ancien informaticien ce n’est
pas fort et Jean Paul est très déçu de ne pouvoir respecter ses engagements. De
plus pas de possibilité non plus de nouveau routage dans MaxSea avec une météo
actualisée. Mais on avait défini notre stratégie au départ et on va s’y
tenir n’ayant pas d’autres informations.
La deuxième journée est assez calme dans un vent de 15 à 23 nœuds
qui permet de découvrir les vraies valeurs de ce bateau très spécial dessiné
pour la glisse au portant. Nous faisons une première pointe à 15 nœuds qui
impressionne Franck qui retrouve alors des sensations de dériveurs ou de
planche à voile dans les vagues. L’après-midi sera enfin dégagée et de nombreux
dauphins viendront jouer avec l’étrave du bateau pour notre plus grand plaisir.
L’équipage a trouvé ses marques et les manœuvres même
difficiles se passent de plus en plus sereinement. Il faut effectivement adapter
le spi en fonction des conditions de vent qui seront très variables au cours
des 2 jours qui suivront. Au début de la 3ème journée, on voit les
reliefs de la pointe espagnole que l’on suivra tout au long de la journée avec
d’autres visites de dauphins.
Au début de la 3ème nuit on s’engage dans le
passage limité d’un côté par l’Espagne et de l’autre par une zone interdite aux
voiliers car réservée aux passages des cargos. Ce rail est à respecter sous
peine de disqualification. Sachant que les prévisions annonçaient des «alisés
portugais» très soutenus (35 à 40 nœuds) nous commençons cette nuit concentrés
mais avec un peu d’appréhension car nous portons encore le grand spi de 95m².
Lorsque le vent affiche 28 nœuds de vent, on décide de changer de spi pour mettre
le string rouge de 60m². La récupération du spi de 95 m² dans une mer très
formée avait été répétée plusieurs fois entre nous avant de passer à l’action.
Le changement se passe sans aucun moment à risque et on repart avec un spi asymétrique
tangonné dans un vent et une mer qui ne cesse de monter jusqu’à 40 nœuds à l’anémomètre.
Le Mistral 950 montre alors toutes ses qualités dans ces conditions extrêmes :
le surf sur les vagues est en continu avec des vitesse constantes entre 15 et
19 nœuds. On va donc plus vite que les vagues et c’est alors que le jeu change
de physionomie. D’un bateau "classique" qui devrait subir les éléments, on passe dans un
mode on l’on plane sur les vagues avec une stabilité incroyable. Le bateau se
soulève légèrement et donne l‘impression de voler au-dessus des vagues. Franck
a l’impression d’être sur sa planche de fun board, les 2 pieds dans les
footstraps en maitrisant le passage des vagues et avec une sensation de
maîtrise totale. Le bateau est tellement stable que le pilote automatique n’a
aucune difficulté à le conduire. Après plusieurs heures de plaisir total,
Franck décide d’aller dormir un peu, sereinement dans un bateau à 18 nœuds. A
peine dans la cabine, Jean Paul lui annonce que le GPS a affiché une pointe à
22 nœuds ! A l’AIS, on voit 3 bateaux devant nous à 7 nœuds. On raconte au port qu’ils
ont vu passé un OFNI au milieu d’eux sans avoir eu le temps de l’identifier !
C’était la Souris Mermon dans son élément (sur le gateau).
A 4 heures du matin, lorsque le vent affiche 40 nœuds à l’anémomètre,
avec la crainte de voir le vent et les vagues monter encore plus, on décide d’affaler
le spi et de passer sous solent qui nous permet quand même d’avancer à 12-14 nœuds.
L’affalage du spi se fera sans difficulté avec le même soucis de préparation de
la manœuvre.
Vers 7 heures du matin lorsque le vent est retombé à 30 nœuds,
on relance le spi pour une nouvelle cavalcade qui durera toute la journée.
Les 2 journées qui suivront, on aura l’impression d’être seuls
sur l’eau : Aucun signal AIS, aucune liaison radio, un temps couvert et un
vent médium. Effectivement, une fois à terre notre trace montre que l’on est le
bateau le plus à l’ouest. La visite de dauphins et quelques grains viendront
perturber cette routine qui est bien installée : Plat en sauce à midi (plats
préparés sous vide) que Franck arrive enfin à apprécier et plat lyophilisé le
soir. Comble du luxe, un apéro sans alcool !!! et un dessert pour agrémenter ces
repas. Heureusement, des SMS reçus par Iridium nous permettent de connaitre
notre position dans la flotte et de voir notre progression au classement.
Le matin du 5ème jour on découvre un premier
bateau sous le vent (Mc Do de Cherbourg) puis 4 autres bateaux pendant la
journée. Nous sommes alors dans la dernière ligne droite au contact visuel à 5
bateaux qui va durer jusqu’à l’arrivée. Une vraie régate comme on la ferait en
baie de Quiberon s’engage alors. Franck retrouve ses sensations de régatier et
fait merveille sur le marquage de ces concurrents. On terminera devant ces 4
bateaux à la 13ème place.
Partant de la 55ème place en sortie de la Loire,
nous sommes très très satisfaits de ce résultat sans aucune casse à la
différence d’un grand nombre de nos concurrents qui ont perdu des voiles, cassé
des tangons, déchiré des spis et même démâté pour l’un d’entre eux.
En discutant avec d’autres bateaux, on réalise à quel point
notre bateau est parfait pour les conditions de vent soutenu au portant. A
notre connaissance, même les premiers n’ont pas gardé leurs spi dans la période
de fort vent et aucun d’entre eux n’est allé dormir à ce moment-là !
Serions-nous inconscients ?
Merci pour ce beu récit
RépondreSupprimerMaintenant on attend les photos avec impatience
Encore bravo les gars...
Alain